1896 - 1927
Jules Miesse, contremaître dans l'atelier d'emboutissage de la SA Cartoucherie Belge, quitta celle-ci pour fonder en 1894 un atelier de mécanique générale, 38, rue des Goujons à Anderlecht-Bruxelles.
Il entreprit alors un projet qui lui tenait fort à cœur : la construction d'un véhicule automobile.
A une époque où le moteur à pétrole n'en était qu'à ses débuts et n'offrait qu'une sécurité de marche toute relative, il se tourna vers le moteur à vapeur qui était, disait-il, « plus simple, plus pratique, plus économique, plus obéissant que le moteur à pétrole ».
Jules Miesse était influencé par Léon Serpollet, pionnier des véhicules routiers à vapeur, qui avait réalisé en 1888 une chaudière multitubulaire à vaporisation instantanée qu'il améliora peu après en y adjoignant un système original d admission augmentant le rendement et la sécurité.
La première voiture Miesse semble avoir été montée en 1896 et reçut le nom de Torpille : elle était équipée d'un moteur horizontal à trois cylindres, d'un châssis en bois armé et fonctionnait au kérosène.
A partir de 1896, Jules Miesse prépara la production de sa voiture en perfectionnant sa Torpille en la faisant participer à de nombreuses compétitions;
elle gagnera notamment une course d'un kilomètre lancé à Diegem, près de Bruxelles, devant plusieurs voitures étrangères.
Les premières Miesse à vapeur destinées à être vendues au public datent de 1900.
En 1902, les voitures étaient de deux types, toujours en trois cylindres, respectivement de 6 et 10 CV; les châssis étaient encore en bois armé. En 1903, les moteurs donnaient 10 et 15 CV mais le châssis devenait métallique.
Au printemps 1902, une société se forma à Londres, au capital de 50.000 Livres Sterling, la Miesse Steam Motor Syndicate Limited, 37 Wallbrook, London EC, afin de représenter en Angleterre et en ses colonies les générateurs à vapeur et les voitures faites chez Miesse à Bruxelles.
A la même époque, dans l'Easter Tour organisé par le Royal Automobile Club anglais, un tonneau 6 CV et un omnibus léger 10 CV concoururent avec succès, ce qui incita la société Turner de Wolverhampton à prendre la licence de construction des Miesse à vapeur, construction qui se fera sous le nom de Turner-Miesse de 1903 à 1913.
Des groupes à vapeur ont aussi équipé des bateaux comme celui construit par Cockerill et qui naviguait sur le fleuve Congo.
Entretemps, Jules Miesse, qui n'avait pas été insensible au fabuleux développement du moteur à pétrole, entama des recherches dans ce domaine dès 1900.
Il semble en avoir construit régulièrement à partir de 1903.
Miesse exposa aussi au Salon de Bruxelles de janvier 1904 un châssis dont la conception était due à Robert Goldschmidt.
C'était une grosse voiture sans changement de vitesses dont le maniement se faisait en manœuvrant uniquement l'embrayage et l'accélérateur.
Jules Miesse renonça à construire ce véhicule fantaisiste qui, sous le nom de Direct, tenta une seconde carrière à l'usine du boulevard Baudouin comme nous le verrons plus loin.
En 1906, Miesse réalisa des camions à vapeur destinés à l'Etat Indépendant du Congo sur les plans de Robert Goldschmidt;
ils étaient capables de porter une tonne de charge utile à une vitesse de 25 km/h, le moteur étant à quatre cylindres horizontaux à simple effet développant 20 HP.
En 1906, il abandonne entièrement la cons¬construction des voitures à vapeur et ne sort plus que des voitures à pétrole.
En 1907, Miesse faisait deux modèles, une 24 HP quatre cylindres (100 x 120) à soupapes latérales, culasse en T, embrayage multi-disque dans l'huile, trois vitesses et transmission par cardan et une 35/40 HP six cylindres de mêmes côtes et même technique.
Il semble aussi que cette année ait vu l'essai de lancement d'une voiture populaire 10 HP à boîte de vitesses épicycloïdale.
En 1908, en plus des 24 et 35/40 HP, Miesse sortait son type D, une 14/16 à moteur quatre cylindres monobloc (80 x 110) qui allait rem-porter un grand succès.
Des carrosseries multiples et variées l'équiperont, certaines étant faites à l'usine même, et elle remportera des épreuves sportives tant en Belgique qu'en Ecosse.
De nombreux taxis Miesse, vraisemblablement sur châssis D circulèrent à Bruxelles et à l'étranger.
Pour 1911, le type D est accompagné par deux nouveaux modèles, la 15 HP quatre cylindres (80 x 140) à culasse en L et la 20 HP dont le moteur fonctionne suivant un système sans soupapes inventé par Jules Miesse : un seul fourreau concentrique au piston découvre ou ferme une lumière située dans le cylindre, cette lumière étant mise en communication alternativement avec l'admission ou l'échappement par un piston latéral animé d'un mouvement de va-et-vient.
En 1913, le radiateur plat de la marque était remplacé par un élégant radiateur arrondi et en léger coupe-vent.
L'écusson aux armes de Bruxelles en devint l'emblème.
Peu après, la gamme se compléta d'une autre 20 HP à soupapes (100 x 140), dont il fut fait aussi une version coloniale caractérisée par une importante garde au sol.
Les qualités de mécanicien de Jules Miesse se confirmèrent dans le moteur expérimental qu'il créa en 1908 pour l'orthoptère d'Adhémar de la Hault : c'était un huit cylindres en deux rangées en étoile (130 x 130) capable de donner 100 CV / 1 500 trs/m pour le poids propre extrêmement faible de 110 kg; les culasses étaient hémisphériques, les soupapes concentriques et commandées par un seul culbuteur.
Le refroidissement se faisait par air.
Ce moteur était très avancé pour l'époque mais l'orthoptère, lui, ne valait rien.
Depuis 1910, Miesse construisait aussi des camions légers, marquant ainsi le début de ce qui sera plus tard l'essentiel de son activité.
En 1914, Miesse conçut une très belle voiture 2 litres, quatre cylindres (65 x 140) d'une technique très moderne :
monobloc, un arbre à cames en tête, une transmission par cardan mais la guerre survint avant sa commercialisation et la production fut arrêtée.
Pendant la guerre, les taxis Miesse circulaient toujours mais alimentés au gaz comprimé et pourvu à cet effet d'une volumineuse bonbonne placée à côté du chauffeur.
En raison de la pénurie de pneumatiques, les roues étaient cerclées de fer.
La firme prépara l'après-guerre en étudiant une gamme de camions de 2 à 5 tonnes de charge utile;
en 1916, Miesse dessina un très beau camion à moteur quatre cylindres en bloc, (l00 x 180), à culasse hémisphérique, distribution par un arbre à cames en tête, vilebrequin à 5 paliers, boîte à cinq vitesses, cinquième surmultipliée et transmission par cardan, système à vis sans fin Daimler-Lanchester.
C'était vraiment un ensemble d'avant-garde dans le domaine des véhicules industriels.
1920
Miesse Type H (1920) La production des voitures particulières reprit au début de 1920 avec deux modèles : le type H, une 10/15 HP (69 x 130) 1.944 cc quatre cylindres développant 35 CV et le type J, une 20/30 HP (69 x 130) 3.888 cc huit cylindres de 62 CV;
les deux modèles ont le bloc-moteur, la distribution par un arbre à cames en tête et une boîte à trois vitesses.
En 1923, une six cylindres de mêmes cotes est ajoutée à la gamme;
il y eut aussi une autre six cylindres plus légère, le type K, une 10 CV (60 x 80).
En 1924, le radiateur rond fit place à un radiateur plat.
En 1925, les voitures Miesse furent équipées de freins avant commandés par un renvoi à chaîne :
lors du braquage, la roue intérieure était moins freinée que l'extérieure afin de diminuer les risques de dérapage.
Entretemps, la huit cylindres voyait son moteur passer à 4.600 cc et 80 CV.
Miesse s'était intéressé aux épreuves sportives en participant avec succès au « Rallye Automobile d'Ostende » en 1922.
Cette même année l'usine prit part à une épreuve beaucoup plus importante, le « Grand Prix de Belgique », à Spa-Francorchamps couru sur 600 km.
Un modèle de course fut spécialement préparé à l'aide du moteur deux litres et de freins surdimensionnés.
Edmond Miesse, fils du fondateur, réalisa une belle course mais n'emporta pas la victoire qui revint à l'Impéria-Abadal du baron de Tornaco.
La régularité de la course de Miesse engendra d'élogieux commentaires de presse.
Cette même voiture participera aux mains de Blech à l'épreuve du kilomètre lancé d'Oostmalle.
La construction des voitures de tourisme a été arrêtée vers 1927.
A partir de 1919, l'usine Miesse va surtout se consacrer à la construction des véhicules commerciaux;
pendant une dizaine d'années, de nombreux camions, camionnettes et autobus sortiront des ateliers équipés de l'un ou l'autre des moteurs à essence quatre cylindres (69 x 130), (75 x 130), (80 x 130) et huit cylindres (69 x 130) et (80 x 130).
Quand, vers 1928, le moteur Diesel commença à équiper certains châssis commerciaux étrangers, Miesse a acheté et comparé en exploitation plusieurs moteurs, notamment le CLM français, le Junkers allemand, le Gardner anglais.
C'est ce dernier, excellent moteur, qui sera retenu et que Miesse fabriquera sous licence à partir de 1932 en versions trois, quatre, cinq et six cylindres.
Ce même moteur fut d'ailleurs adopté notamment par Bernard en France, par Kromhout en Hollande et par plusieurs constructeurs britanniques.
Au début des années trente, Miesse remplaça aussi sa gamme de moteurs à essence en prenant notamment la licence des moteurs américains Hercules.
Au début de 1929, Miesse, dont les affaires étaient prospères et qui se trouvait à l'étroit à l'usine de la rue des Goujons, acheta avec l'appui de la Banque Centrale pour le Commerce et l'Industrie la Société des usines Bollinckx situées à Buizingen, près de Bruxelles.
Bollinckx était depuis 1890 un important fabricant de moteurs à gaz, de moteurs à vapeur, de compresseurs, d'outillage à air comprimé et occupait une superficie de 40.000 m2.
Le conseil d'administration de la nouvelle société « Automobiles Miesse et Usines Bollinckx » présidée par Léon du Bois d'Enghien et dont les administrateurs-délégués étaient Jules Miesse et Georges Van Oudenhove annonça son intention de construire cent châssis gros porteurs par an.
C'était faire preuve de beaucoup d'optimisme car l'approche de la grande crise mondiale allait contrecarrer ce programme.
La construction des véhicules lourds prit cependant un développement favorable.
Au Salon de Bruxelles de décembre 1929, une des attractions sera le châssis à 6 roues et deux essieux pour autobus muni du fameux huit cylindres à un arbre à cames en tête de (80 x 130) 5.200 cc.
1930
En décembre 1930, ce sera un châssis à deux moteurs pouvant fonctionner séparément qui est exposé.
Cette année-là, Miesse reçut du Ministère des Colonies une importante commande de camions 3 tonnes pour le Congo.
L'année suivante, l'usine présenta un nouveau camion de 6,5 tonnes de charge utile équipé d'un moteur Diesel sous licence Junkers et fabriqué dans ses ateliers;
ce moteur de 3 litres développait 45 CV.
L'usine présentait également des camions à gazogène dont une série avait déjà été livrée à l'Union Minière du Haut-Katanga ainsi qu'un trolleybus à deux moteurs électriques de 38 CV fonctionnant sous 550 volts.
En 1934, le 5 tonnes livrable soit avec moteur Hercules à essence, soit avec moteur Gardner Diesel recueillera du succès.
En 1935, une nouvelle calandre inclinée et d'aspect aérodynamique apparaît.
Miesse avait entre temps entrepris le montage des voitures américaines Nash et cette calandre de 1935 est manifestement inspirée des calandres Nash 1933/1934.
En 1935, Miesse conclut un accord avec la firme tchèque Tatra qui, sous l'impulsion d'un ingénieur génial, Hans Ledwinka, construisait des voitures et camions ultra-modernes à moteurs refroidis par air et roues indépendantes.
Miesse envisagea de fabriquer sous licence les voitures Tatra « 57 » mais surtout les véhicules tous-terrains à quatre et six roues auxquels l'Armée belge serait susceptible de s'intéresser comme Lorraine-Dietrich le faisait en France.
Malheureusement, l'Armée n'en voulut pas et l'accord avec Tatra se réduisit à l'importation de quelques rares voitures « 57 » et « 77 ». Toujours en 1935, Miesse équipa quelques camions d'un système de suspension à roues avant indépendantes;
il s'agissait d'un dispositif original élaboré par l'ingénieur Gérard, du bureau d'études de l'usine, et qui était constitué par deux demi-essieux rattachés par un bras longitudinal à un tube fixé entre les longerons;
ce système ne fut pas poursuivi faute de mise au point.
En 1936, Miesse livre 104 moteurs Gardner six cylindres à la Société Nationale des Chemins de Fer Vicinaux pour l'équipement d'automotrices. La gamme de moteurs Miesse-Gardner était alors la suivante : 3 cylindres 45 CV, 4 cylindres 70 CV, 5 cylindres 85 CV et 6 cylindres 105 CV.
En 1938, un accord de représentation fut conclu avec l'usine américaine Mack mais se limita à l'importation de quelques unités.
Cependant, la construction propre à Miesse s'améliorait sans cesse : des autobus à cabine avancée avec radiateur placé sur le toit afin de diminuer la longueur hors tout des véhicules auront un grand succès et seront exécutés à de nombreux exemplaires. Au Salon de Bruxelles de janvier 1938, Miesse présenta un châssis à cabine avancée muni d'un moteur six cylindres licence Gardner, d'une boîte présélective Wilson et d'un servo-frein Dewandre.
Malheureusement, les commandes étaient insuffisantes pour justifier une usine aussi importante que celle de Buizingen.
Aussi, en 1938, elle dut être liquidée et Miesse se repliera entièrement sur l'usine de la rue des Goujons où la guerre arrêtera toute production.
1950 Après l'armistice, grâce au Plan Marshall, Miesse put disposer d'importantes dotations de camions Mack originairement destinés à l'Ar-mée américaine.
La demande était alors très forte;
Miesse utilisa les organes mécaniques Mack pour construire une gamme étoffée de véhicules civils à deux ou trois essieux, à direction conventionnelle ou avancée.
La firme représentait également Mack mais les résultats escomptés ne furent pas atteints et l'accord prit fin en 1963.
Edmond Miesse, qui dirigeait la firme, décéda prématurément en 1955 et Jules Miesse, malgré son grand âge, reprit la direction qui passa, après son décès, à ses petites-filles Yvonne et Renée, secondées par l'administrateur-délégué, Paul de Bruyne.
L'activité portera toujours sur la construction de camions Miesse à moteurs Gardner mais ceux-ci n'étaient plus fabriqués sous licence mais importés comme d'ailleurs la plupart des pièces qui constituaient ces véhicules; ainsi, les essieux venaient de chez Timken, les boîtes de chez ZF.
Nombre de très beaux camions, tracteurs et autobus furent ainsi construits.
En 1946, Miesse reprit dans une petite usine située à Bruxelles le montage des Nash qui avait été abandonné vers 1935.
Ces voitures se vendirent bien jusqu'à la fin des années cinquante puis commença le déclin des ventes de voitures américaines.
Miesse assemblera aussi quelques voiturettes allemandes Maico.
Un accord avec le constructeur de camions Büssing ne donnera finalement pas grand chose.
Cependant une réalisation de la firme mérite d'être rappelée, c'est la construction de camions militaires en collaboration avec FN et Brossel
Le dernier véhicule Miesse, un autobus, sortira de l'usine en 1972 et le 12 juillet 1974 toute activité industrielle prit fin.
Miesse aura été le dernier constructeur belge « historique » et Jules Miesse et ses successeurs peuvent être fiers de leur contribution à l'histoire de l'automobile.