LA BELLE ÉPOQUE DE L'INDUSTRIE AUTOMOBILE LIÉGEOISE
par André GEORGES (Si Liège m'était Conté)
C'est vers 1900 que la construction automobile commença à Liège et dans les environs. En 1894, les ateliers Dasse, de Verviers, fabriquaient une voiture à trois roues. Les deux de l'arrière donnaient le mouvement; celle de l'avant, la direction. Si l'on admet que ce véhicule, pouvant transporter trois personnes, était une automobile, on doit affirmer que Dasse fut le premier constructeur belge d'autos.
Vers 1900, les ateliers Deprez-Joassart, de Herstal, construisirent également une voiture à trois roues, deux à l'arrière et une à l'avant, celle-ci étant en même temps motrice et directrice. Le conducteur pouvait se placer à droite ou à gauche, ce qui résolvait peut-être le problème des gauchers. Le véhicule atteignait jusqu'à trente kilomètres à l'heure sur route horizontale, il coûtait deux mille trois cents francs. L'idée d'un véhicule à trois roues fut reprise il y a deux ans environs par la marque Arola.
En 1896, Dasse, de Verviers, fabriqua des voitures à quatre roues. En 1924, il se consacra exclusivement aux véhicules de poids pour le transport de marchandises ou de voyageurs. L'armée belge fut équipée de camions Dasse.
Installée rue Lairesse, la Construction liégeoise d'Automobiles sortit en 1898 une voiturette, que remplaça la Duryea en 1900. Des rayons métalliques formaient la charpente des roues du véhicule. Celui-ci emportait quatre voyageurs, les deux de l'arrière étant adossés aux deux de l'avant. En 1899, les ateliers Linon d'Ensival commencèrent à produire des voitures du même nom; c'est la guerre de 1914 qui mit fin à cette activité.
Peu avant 1900, la firme Pieper lança des voitures légères à deux ou trois places. Ces véhicules étaient classés hors concours à l'Exposition universelle de Paris, en 1900. Pieper inventa également une voiture électrique et une autre mixte, se mouvant tantôt à l'essence, tantôt grâce à des batteries. Il convient d'insister sur une caractéristique remarquable pour l' époque; le véhicule se mettait en marche sans manivelle.
Le shah de Perse est notre client
La Fabrique nationale de Herstal sortit sa première automobile en 1900. Vers 1906, un de ses véhicules devint la propriété du shah de Perse. Constamment les ateliers herstaliens perfectionnèrent leurs voitures. C'est ainsi qu'en 1931, ils pouvaient fournir seize modèles différents. lis fabriquaient également des véhicules lourds, singulièrement, en 1933, des trolleybus, dont certains étaient encore utilisés bien après la dernière guerre. Des voitures FN remportèrent de nombreuses compétitions, elles furent utilisées lors de raids célèbres. En 1907, une FN atteint 113 km/h à la côte belge. En 1928, une autre arrive au Cap après avoir traversé le Sahara en été. Quatre fois, la Fabrique nationale participa aux Vingt-quatre Heures de Francorchamps; quatre fois, elle remporta la victoire; c'était en 1925, 1926, 1932 et 1933.
En 1903, De Cosmo, un ingénieur italien installé au numéro 20 de la rue de la Vieille Montagne, fabriqua de grosses voitures et ce jusqu'en 1906.
Dès la même année 1903, à Huy, Springuel avait construit un atelier dans le but de mettre au point un prototype de nouvelle voiture. Les premières Springuel sortirent aux environs de 1907 ; la marque connut un beau succès à la Belle Epoque; en 1911, une Springuel coûtait 7.700 francs.
Sous la licence lyonnaise Rouhet-Schneider, une société liégeoise fabriqua La Locomotrice en 1903-1904. Confiante en la qualité de notre main-d'œuvre, une firme italienne avait fait construire à Bressoux une usine destinée à fabriquer plusieurs centaines de châssis chaque année. Il faut voir là l'origine des Hermès, qui commencèrent à circuler chez nous en 1906.
Quelques records
Les usines Nagant, de Liège, construisirent, également sous licence, des véhicules de marque française; elles commencèrent leur propre fabrication en 1907 et travaillèrent pendant une vingtaine d'années quai de l'Ourthe, puis quai de Coronmeuse.
C'est dans la rue de Fragnée que débuta Impéria avant de s'installer, en 1906, à Nessonvaux, où l'on voit encore aujourd'hui le nom de la célèbre firme peint sur un mur de l'ancienne usine. C'est au volant d'une Impéria que le baron de Tornaco remporta, en 1922, le Grand Prix de Belgique, à la vitesse de 89 km/ho Vers 1924, une Impéria battit le record belge de sa catégorie avec 133 km/h, sur le palier d'Oostmalle. En 1935, Impéria lança des tractions avant sur le marché. Après la dernière guerre, elle abandonna sa fabrication propre pour monter des voitures anglaises Vanguard.
Il faut signaler des P.M. (initiales de Pierre Malherbe, le constructeur), fabriquées à partir de 1922, à Sclessin, et des Jewel sorties de Herstal depuis 1923.
La guerre de 1914-1918 fut une catastrophe pour la construction automobile liégeoise en particulier, belge en général. Les usines furent, en effet, réquisitionnées par l'occupant et celui-ci, avant de quitter le pays, emmena les machines et les pièces détachées. Le conflit terminé, les industriels tentèrent cependant de faire renaître la fabrication. Ils furent concurrencés par Henry Ford, son fameux modèle T et son montage à la chaîne.